Depuis 2008, le Château de Versailles organise chaque année une exposition consacrée à un artiste contemporain français ou étranger. Jeff Koons en 2008, Xavier Veilhan en 2009, Takashi Murakami en 2010,
Bernar Venet en 2011 http://ghislaine-photos.com/blog/2011/05/31/2014-02-versailles-contemporain-exposition-venet ,
Joana Vasconcelos en 2012 http://ghislaine-photos.com/blog/2011/03/18/2014-02-versailles-contemporain-exposition-vasconcelos,
Giuseppe Penone en 2013 http://ghislaine-photos.com/blog/2011/06/07/2014-02-versailles-contemporain-exposition-penone,
Lee Ufan en 2014 http://ghislaine-photos.com/blog/2014/07/25/2014-07-versailles-contemporain-lee-ufan et
Anish Kapoor en 2015 http://ghislaine-photos.com/blog/2015/07/01/2015-07-versailles-contemporain-exposition-anish-kapoor
tous ces artistes ont établi un dialogue original entre leurs œuvres et le Château et les jardins de Versailles. Après la polémique autour d'Anish Kapoor en 2015 dans les jardins du château, c'est au tour de l'artiste contemporain Olafur Eliasson de s'inviter à Versailles (et pas seulement à l'extérieur cette fois-ci). Avant de monter son exposition, Olafur Eliasson est venu visiter le château plusieurs fois en solitaire, le jour comme la nuit afin de s'imprégner de l'environnement. Comme pour respecter le lieu qui le reçoit, l'artiste a réussi à se faire tout petit malgré des installations parfois immenses. Il s'est fondu dans le décor au point qu'il est même parfois difficile de trouver certaines de ses œuvres.
Olafur Eliasson est un artiste contemporain danois dont les parents sont originaires d’Islande. Son père, artiste, l’initie à l’art et il passe du temps dans son atelier. Rapidement divorcés, leur enfant passe toutes ses vacances chez ses grands-parents en Islande, pays qu’il adore. Adolescent, sa pratique du break dance influe sur sa conscience du corps lié à l’espace. Il est diplômé de l’Académie des Beaux-Arts du Danemark en 1995 et s’installe à Berlin cette même année.
Un de ses premiers travaux s’intitule Beauty, un tuyau d’arrosage percé, d’où l’eau s’écoule, et éclairé de manière à créer des arcs-en-ciel. Il débute ainsi une œuvre où il met en relation les éléments naturels et la technologie et crée des sculptures souvent basées sur la lumière.
Inspiré par le Land Art, Olafur Eliasson met en scène des phénomènes naturels dans des environnements urbains.
Entre 1998 et jusqu’en 2001, Il teinte de vert les fleuves des villes de Brême en Allemagne, Moss en Norvège, Los Angeles aux États-Unis, Tokyo au Japon et Stockholm en Suède (de la fluorescéine). Son projet Green River est une façon de révéler l’espace naturel, d’inviter à en prendre conscience, la modification de la couleur de la rivière incitant les commentaires et les interrogations.
En 2003,The Weather Project, à la Tate Modern de Londres a contribué à sa notoriété dans le monde de l'art contemporain: son installation plongeait les visiteurs dans un brouillard artificiel et leur faisait vivre un lever de soleil éblouissant grâce à un jeu de miroirs et de lumières. Tout l’aspect technique était visible depuis un autre point et faisait partie de l’œuvre.
En 2008, il a crée également les quatre cascades à New York. Toujours en lien avec le climat, le temps et l’espace, c’était un projet de grande envergure financé uniquement par des fonds privés et dont l’impact sur l’environnement était nul. Les échafaudages visibles semblaient représenter la nature comme étant une construction.
En 2015, il participe à la COP 21 avec son projet Ice Watche
Une installation écologique et éphémère sur la Place du Panthéon: Douze blocs de glace pure et millénaire venue du Groenland pour raconter l'histoire de la planète, heure après heure. Un «cadran polaire» qui va fondre sous les yeux des parisiens en temps réel dans le but de faire prendre conscience à tous du compte à rebours écologique qui nous menace.
Olafur Eliasson va donc présenter 5 œuvres dans le Château et 3 dans les jardins de Versailles du 7 au 30 Octobre 2016. Eliasson aborde le château et le jardin de Versailles comme un champ expérimental. Il n’y installe pas des objets mais conçoit des dispositifs qui engagent le visiteur dans une relation active. Toutes les œuvres exposées sont pensées et situées par rapport aux espaces investis. Il veut amener les gens à regarder, à les faire participer tout en respectant le lieu qui les accueille et proposer ainsi une approche beaucoup plus subtile du château. Le visiteur devra donc ouvrir tout grand ses yeux pour ne pas passer à coté de certaines œuvres très minimalistes qui se confondent au décor.
The "Curious Museum " n’est que le simple reflet du visiteur dans l’une des fenêtres du Salon d’Hercule. Un immense miroir, installé sur un échafaudage extérieur, crée une perturbation visuelle en renvoyant l'image de la façade extérieure et en plaçant le visiteur au centre de cette scène; ce qui l'amène alors à se questionner sur ce qu'il voit: est ce lui l’œuvre ou la salle intérieure qui sert de décor et qui s'oppose à la façade extérieure. Discrète, voire quasi-indécelable, cette œuvre indique néanmoins les objectifs de l’artiste qui a voulu inverser les rôles par un jeu de miroir; ce n'est pas le visiteur qui regarde Versailles mais les visiteurs qui sont regardés par Versailles . Ces derniers ont alors le premier rôle, le temps d’une visite.
The "Your Sense of Unit" au fond de la Galerie des glaces emmène le visiteur dans un espace de démultiplication: un jeu de miroir crée un espace dans lequel le visiteur évolue de manière complexe et modifiant ainsi l’œuvre au fur et à mesure de ses déplacements .
Dans le Salon de l’Œil de Bœuf, coulisse du pouvoir où patientaient les Courtisans avant d’être admis dans la Chambre Royale, l’œuvre "Deep Mirror (Yellow) et Deep Mirror (Black), structures circulaires équipées de lumières et de peinture noire nous emmène dans un voyage cosmique entre lune et soleil. Jeu de miroirs opposés où le soleil a rendez-vous avec la lune, l’un se trouve éclairé d’un cercle de lumière jaune, l'autre nous plonge dans un trou noir et semble nous faire disparaître dans les ténèbres.
Les miroirs circulaires utilisés pour "Solar Compression" exposée au centre de la Salle des Gardes du Roi , sont, eux, double-faces, convexes et mobiles. Ils tournent lentement sur eux-mêmes, laissant apercevoir une source lumineuse et renvoyant tout autour de nous l’image du lieu. Ces miroirs circulaires, en perpétuel mouvement, semblent rappeler au visiteur qu'il n'est qu'une apparence et qu'il peut se dévoiler sous une multitude de facettes.
The "Gaze of Versailles" est l’installation finale. C’est l’œuvre la plus petite, tellement discrète que beaucoup de visiteurs ne la voit pas, mais sans doute la plus fascinante. Toujours dans le thème du reflet, Eliasson a créé deux petits globes dorés, faisant penser à une paire d’yeux, sur une fenêtre donnant sur les jardins. Pourquoi cette lumière jaune, chère à Eliasson, autour du globe? Est ce pour symboliser le jaune du soleil, symbole de Versailles et mettre en valeur cet œil illustrant le regard inquisiteur du Roi Soleil, qui régnait d’une main de fer sur ses courtisans qu’il avait fait venir au château de Versailles pour mieux les surveiller. Cette œuvre minimaliste nous rappelle qu'il faut redonner de l'importance à ce qui nous entoure et sert, en vérité, de guide au visiteur pour l'emmener à l’extérieur du Château, où Olafur Eliasson y a installé un triptyque pro-écologique, sur le thème de l’eau comme énergie vitale et cet élément est présenté selon ses 3 états: liquide, gazeux, et solide.
The "Fog Assembly" occupe le bosquet de l’étoile: Ici, l’eau devient bruine, petite pluie fine qui résulte de la précipitation du brouillard.
Un brumisateur géant circulaire libère un voile de fin brouillard qui se répand tout autour de l'oeuvre, pouvant faire apparaitre des arcs en ciel et permettant au visiteur d'évoluer dans cet espace, d'en ressentir les sensations, d'observer les réactions des autres personnes. Là encore, le spectateur fait partie de l’œuvre et la nature la fait évoluer en fonction de la lumière, du vent. Le visiteur communique avec ces éléments naturels.
Pour The "Waterfall ", l’artiste a installé une grue (haute de plus de 40 mètres) au-dessus du Grand Canal, précisément dans l’axe du soleil couchant du solstice d’été. L’eau est ici évoquée dans toute sa puissance: projetée dans l’air du haut d’une grue, invisible quand on se situe dans la perspective dessinée par Le Nôtre, cette eau semble tomber du ciel.
À Versailles, l’idée de la cascade est un « classique ». Le Jardinier de Louis XIV avait créé dans les années 1670 une Montagne d’eau (détruite en 1704). Waterfall bat cependant tous les records par ses dimensions et son impression théâtrale : la verticalité monumentale de cette colonne d’eau accentue l’horizontalité de l’axe du Grand Canal (comme l’Obélisque de Louxor, place de la Concorde, situé dans l’axe des Champs-Élysées, conçu aussi par André Le Nôtre).
Dans le Bosquet de la Colonnade se dresse the "Glacial Rock Flour Garden" . L’artiste fait ici référence à l’eau dans son état solide.
Le bassin est recouvert de moraines (terre mélangée à des débris rocheux transportés par des glaciers) provenant du Groenland, disposées autour de la sculpture de François Girardon, L’Enlèvement de Proserpine par Pluton (1675), en hommage à la déesse protectrice de la germination des plantes. L’installation prend tout son sens lors des Grandes Eaux Musicales et/ou des Grandes Eaux Nocturnes: L’eau à l’état solide (dans l’œuvre Glacial Rock Flour Garden ) impose alors sa différence avec l’état liquide des jets d’eau des fontaines réparties sous les arcades du Bosquet de la Colonnade.
L'artiste a voulu déplacer un élément naturel dans un autre élément naturel et il compte sur le temps et les intempéries pour faire évoluer son œuvre: le sol lisse et glaiseux au départ va peu à peu se fissurer avec la sécheresse et des craquelures vont apparaitre, rappelant alors les veinures du marbre environnant.
A voir également les œuvres d'Olafur Eliasson à la Fondation LVMH à Paris 2015/01/31/2015-01-fondation-lvmh-paris