L’année passée, au retour de notre Burning Man, nous pensions que ça allait être le dernier mais l’envie de retourner dans le dust, de retrouver nos amis américains et leur camp “Sublime Oasis”, de revivre une semaine hors du temps, complètement déjantée et de parcourir la Playa à la découverte des centaines d’œuvres incroyablement créatives, tous ces arguments ont eu raison de nos convictions et de nouveau, nous voilà repartis pour de nouvelles aventures.
Appareil photo en bandoulière, camel bag dans le sac, mug accroché à la ceinture, chapeau, lunettes de soleil, masque, crème solaire… me voilà levée aux aurores pour assister aux levers de soleil et croiser, sur leurs chemins de retour, de nombreux burners, certains très alcoolisés et d’autres, épuisés par leur folle nuit musicale.
Le lever de soleil est un des moments magiques de Burning Man car tous les chars se regroupent à un endroit donné, différent chaque matin, et des DJ célèbres jouent au sunrise.
C’est l’occasion pour les burners de se recueillir, de méditer, ou d’arroser joyeusement cette nouvelle journée qui commence pour certains ou se termine pour d’autres.
Après ces festivités matinales, j’enfourche de nouveau mon vélo pour partir explorer la Playa et découvrir tous les trésors éparpillés sur des dizaines de kilomètres dans le désert.
De magnifiques œuvres encore cette année (plus de 400) et il m’est difficile de faire une sélection mais je vais tenter de vous présenter mes préférées.
“In Every Lifetime I Will Find You” by Michael Benisty
Cette belle structure, de 15m de haut, en acier inoxydable poli miroir apparait au loin comme un mirage dans le désert. Attirant de nombreux burners, il m’a été difficile de la photographier dans de bonnes conditions. Elle représente l'homme et de la femme se tenant dans une position symbolique et universelle de sollicitude, dans un affichage d'amour et d'unité.
The desert guard” by Lu Ming
Une des pièces les plus complexes et les plus imposantes de cette année: ce samouraï en métal “The desert guard” montant la garde sur la Playa. La création de Lu Ming reproduit l’armure de Gengis Khan, une armure spéciale qui lui a permis de résister à l’agression de ses ennemis. Son système d'absorption des chocs et de déviation des chocs était très primitif mais efficace.
Cette œuvre d'art mesure 15 mètres et pèse 10 tonnes. Elle incorpore l'âme d'un guerrier mongol. L’artiste veut rappeler à tous que nous ne devons jamais utiliser l'intelligence artificielle pour la guerre, sinon, l'humanité crée des armes qui nous tuent.
“A polar bear stands in the desert” by Don Kennell
L'ours polaire est un visiteur improbable de la Playa dans ce désert de sable et de poussière, à l’opposé de son habitat froid et glacial. Il est fabriqué à partir de capots de voiture blancs et du haut de ses 20m, il manifeste les forces du changement climatique et nous invite à voyager avec lui dans son pays lointain.
L’ours polaire est très bien placé en tant qu'ambassadeur pour faire de l'Arctique une conscience humaine. Les animaux disparaissent pour faire place à nos voitures. Transformer des voitures démolies en animaux monumentaux inverse visuellement ce processus et impacte la conscience du spectateur.
“Step forward- Joining minds” by Miguel Angel
L'année dernière, ce groupe d'Espagne avait apporté une poupée géante. Cette année, ils en ont apporté un autre: le grand père de la jeune fille, et les 2 marionnettes géantes se retrouvent autour de leur immense table.
Tous deux s’animent dans la journée et partagent des expériences intéressantes et des connaissances accumulées.
Cette œuvre d'art dans son ensemble veut sensibiliser les personnes à l’acceptation des autres sans discrimination et leur montrer que l’on peut s’exprimer librement. Lorsque les gens se connaissent, s’acceptent et s’aiment eux-mêmes, en reconnaissant leurs propres vertus et faiblesses, ils sont capables de donner le meilleur d’eux-mêmes.
“HaHa…” by Laura Kimpton and Jeff Schomberg”
HaHa… est une expression dédiée à Larry Harvey, le fondateur de Burning Man et décédé dans l’année. Une expression verbale, simple et joyeuse pour nous rappeler que Larry aimait se réjouir de ce moment et qu’il savait jouir de la vie et profiter de chaque instant. Même dans les moments les plus sombres, nous devons nous accrocher à ce souvenir de joie et de rire. Cette sculpture est un rappel qu’il faut garder ce sourire et cette spontanéité dans notre vie quotidienne.
“Great train wreck” by Debby Brower
Un quai de gare, une gare ferroviaire désertée et deux locomotives se faisant face à face sur leurs rails, on se croirait dans le far west, il ne manque plus que les cow boy!
The Great Train Wreck est une interprétation artistique de l’histoire des chemins de fer lorsque des locomotives désuètes ont été détruites lors de collisions frontales pour divertir le public. Pour Burning Man en 2018, les deux trains construits à partir de bois, rentreront en collision et finiront en flammes.
“The intersection” by Invisible Pink unicorn
Cette installation artistique est une intersection réelle avec des feux tricolores, des passages cloutés, des lanternes, des panneaux de signalisation avec des publicités, une boîte aux lettres et même un arrêt de bus , mais ici, il n’y a pas de bus, juste des art car ou des vélos
“We are the ones we have been waiting” for by Scott
Il semble y avoir un cercle de signes «ne pas entrer». Que protègent-ils? Que signifient ces panneaux? Peut être faut il les interpréter d’une manière différente et les considérer comme des outils positifs nous incitant à l’empathie et l’acceptation de soi plutôt que de les considérer comme des signes négatifs de contraintes et d’interdit .
“Lûz” by Red Deer
Comme son nom l'indique, Lûz (espagnol pour la lumière) est dédié à la célébration de la lumière.
De loin, c'est une structure acrylique éthérée qui brouille les lignes entre l'horizon et le ciel. À l'intérieur se trouve une composition complexe de motifs triangulaires clairs. La géométrie structurelle se répercute sur chaque face. Les participants interagissent avec la structure à partir du moment où ils entrent dans Lûz, car ils se réfléchissent dans les structures et Lûz déforme encore plus ces réflexions en changeant le spectre de la lumière ce qui révèle de nouveaux paysages géométriques.
“Galaxia” by Arthur Mamou-Mani
Le temple des souvenirs, Galaxia, célèbre l'espoir dans l'inconnu, les étoiles, les planètes, les trous noirs, le mouvement qui nous unit dans les galaxies tourbillonnantes des rêves.
Galaxia est formée d’hélices en bois convergeant en spirale vers un point du ciel. Ces hélices emmènent le regard vers un espace central contenant un mandala géant, imprimé en 3D: le cœur de Galaxia. Les modules en bois sont assez grands pour contenir de petites alcôves dans lesquelles les gens peuvent écrire en paix.
Outre la crémation de l’effigie humaine, l’incendie du Temple des souvenirs est devenu un moment fort de Burning Man. Ce Temple est un lieu de recueillement et de prières. Ici, pas de musique techno, pas de paroles, mais un silence religieux, entrecoupé de nombreux sanglots et une grande émotion règne dans ce temple. Chacun se recueille, dépose une photo ou un objet ayant appartenu à un proche disparu, écrit un message libérateur ... Difficile de ne pas être touché par cet endroit, l’émotion y est palpable et une grande solidarité s'installe entre chaque burner qui, par un geste, une parole de réconfort, un immense "hug", essaie d'apaiser la souffrance de son ami d'un jour
Le dernier soir du festival, on brûle le temple, et c’est encore un moment très intense. Personne ne parle, tout part en fumée, accompagnant les milliers de pensées laissées par les burners.
Le thème artistique de Burning Man cette année est “I Robot” et se concentre sur les nombreuses formes d’intelligence artificielle qui imprègnent nos vies: du simple algorithme et de ses sous-programmes qui nous trient et nous surveillent, à des formes automatisées de travail qui nous supplantent. Le but étant de nous faire réfléchir sur notre avenir: entrons-nous dans un âge d'or qui nous libère tous du travail sans esprit et nous emmène dans un monde de plus en plus contrôlé par les machines intelligentes? Mais au final, qui sera le maître et qui sera l’esclave?
“Baba Yaga’s house” by Jessi Sprocket Janusee
“Passage” by Dana Albany
“Resolute arche” by Richard Rhodes
“Flower from heaven” by Ben Lomond
“ Identity Awareness” by Shane M. Pitzer
De nombreuses œuvres, trop nombreuses pour vous les montrer toutes, mais en voici un aperçu.
Le Burning Man ne se conçoit pas sans son dust, cette poussière blanche qui tourbillonne au moindre souffle et qui parfois donne de véritables tempêtes de sable, rendant alors la vue impossible et créant une ambiance mystique, irréelle.
Mais également ces incroyables art car (ou voitures mutantes), ces fameuses voitures customisées par les burners qui débordent d'imagination dans leurs créations et qui nous offrent un voyage entre Mad Max et le 5ème élément. Ça devient alors très banal de croiser un poulpe géant crachant du feu, un bateau à voiles voguant sur le dust, un panda géant roulant au son de la musique, une libellule géante, un yacht immense crachant de la techno, une cathédrale avec des boiseries complexes, un jaguar semblant sortir d’un fleuve ou un mouton supportant sur son échine une piste de danse... L'imagination n'a pas de limite au Burning Man et c'est ça qui fait le charme de ce festival.
Burning Man c'est aussi un véritable défilé de mode avec des tenues les plus éclectiques du monde. Du fait de l’omniprésence de la poussière et de la nécessité de s’en protéger, beaucoup de déguisements incluent masques et lunettes de protection. Look Madmax, look hippy, look sexy, tout est possible , l'exubérance et l'originalité est de mise.
La nuit, la Playa offre une vison complètement différente, tout s'illumine et scintille. Les sculptures se parent de milles feux et prennent un nouveau visage, les vélos deviennent des engins lumineux, clignotant de toutes les couleurs, les burners se décorent de lumière... et que la fête commence.... De la musique et encore de la musique, des shows de danseurs de feu, des spectacles d'acrobates, des installations crachant du feu au rythme de la musique, des chars vibrant de musique sur lesquels chacun peut monter et redescendre au risque de se retrouver à l'autre extrémité de la Playa et de ne plus savoir où est son vélo. (En effet, le vélo est INDISPENSABLE car on parcourt de nombreux kilomètres et il est conseillé d'avoir une bonne selle !!!) C’est tout simplement beau et incroyable.
Mais un des moments phare de Burning Man, c'est le samedi soir lorsque Le Man brûle. Différent chaque année, le Man, un grand mannequin en bois, trône au milieu de la Playa, regardant toujours dans l'axe des 6heures (très utile pour se repérer et retrouver son camp).
A l'origine, Larry Harvey, le fondateur du festival aurait construit une statue dans les années 80 pour se représenter et l’aurait brulée pour symboliser son changement de vie. Il représente l'essence même du festival: tous les burners se regroupent autour du Man qui brûle, c'est comme si chacun s'embrasait et renaissait de ses cendres pour une nouvelle vie. C'est la plus grosse soirée du festival: tout le monde est là, tous les art cars et chars sont regroupés sur la Playa et le demi-cercle devient alors un cercle complet fait de lumières et de feu, c'est absolument surréaliste.
Et bien sur, ne manquez le film de Philippe réalisé avec le drone, de superbes vues aériennes
Avant et après Burning Man, une légère fatigue peut se lire sur les visages