Anish Kapoor, artiste britannique, d'origine indienne investit le château de Versailles pour l'exposition d'art contemporain, organisée tous les ans dans le château. Il avait été sollicité en 2014 mais il avait refusé l'offre, ne se sentant pas encore prêt pour honorer ce lieu. Ce fut donc donc Lee Ufan qui occupa les lieux en 2014.
Anish Kapoor a été découvert par les parisiens en 2011, lors de l'exposition Monumenta au Grand Palais ou une énorme structure en PVC occupait l'espace du Grand Palais et déja une polémique sur la connotation charnelle de son oeuvre se faisait entendre.
Dès son arrivée au château, l'installation de l'oeuvre "Dirty Corner" a fait parler d'elle et a été rapidement vandalisée, mais sans gravité, car les dégâts purent être réparés.
Pour l'artiste, Versailles n'a pas besoin de décoration et Anish Kapoor s'est refusé à intervenir à l'intérieur du château. C'est donc dans les jardins et dans la salle du Jeu de Paume, lieu de serment du 20 Juin1789, qu'il expose ses 6 oeuvres, dont une crée spécialement pour Versailles.
A la conférence de presse sur la présentation de l'exposition, voici ses mots sur Versailles:
"Le problème c'est : qu'est-ce qu'on fait dans un lieu comme celui-ci. Les idées viennent très vite mais ensuite il faut les confronter à la réalité du lieu. Le plus difficile, c'est l'échelle. Le lieu est immense et la vision de Le Nôtre est complète et très claire. Comment intéragir ? Il ne s'agit pas simplement de poser des objets joliment dans les jardins. Il faut un dialogue véritable et plein de sens avec cet endroit chargé de pouvoir et d'histoire, qui vit dans notre inconscient collectif, surtout ici en France"
C'est le 1er artiste à s’intéresser au Jeu de Paume. Il va organiser son exposition en prenant l'histoire de Versailles à l'envers. Commencer là ou la démocratie est née, suite à un bain de sang.
Son œuvre "Shooting in the corner" a déjà été exposée à Vienne en 2008 et à Londres en 2009. Anish Kapoor s'est beaucoup inspiré des dripping de Jackson Pollock mais aussi des tirs à la carabine de Nikki Saint Phalle.
Sculpture ou peinture? Cette œuvre fonctionne comme un rituel au cours duquel, plusieurs fois par jour, un technicien place dans le canon des projectiles de cire rouge tirés dans un coin d'un mur blanc, au départ immaculé mais qui deviendra très vite recouvert de traces rouges semblables à des traces de sang. L'installation va alors changé d'apparence au fur et à mesure que la cire va envahir l'espace et le rendu final est très aléatoire puisque l’œuvre dépendra du nombre de tirs, et du hasard des coups.
Conçue comme un psychodrame, elle met en scène une arme, le sang, la blessure et la mort via la cire rouge. On peut alors s’amuser de l’absurdité d’un tir dans un coin; mais on comprend très vite que ce coin triangulaire a une symbolique féminine alors que le canon a une symbolique masculine. Et dans ce lieu qu'est la salle du Jeu de Paume, il n'y a aucune présence féminine et Anish Kapoor a volontairement orienté l'angle de tir du canon dans le même axe que celui du bras de la statue de Jean Sylvain Bailly, président du président du Tiers État et premier à prêter serment.
Anish Kapoor est un spécialiste des œuvres monumentales, comme celle-ci exposée dans la salle du jeu de Paume.
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L'évocation du corps humain, peut être du ventre maternel, on la retrouve dans ce grand cube noir, posé au centre de la pelouse du bosquet de l’étoile, perdu dans un labyrinthe d'allées.
Cette sculpture, posée comme un ovni au centre du bosquet, nous invite à pénétrer à l'intérieur par cette minuscule porte qui nous conduit vers de grands boyaux rouges qui s'entrecroisent et à travers lesquels on peut voir le ciel. Impression d'être au cœur d'un gigantesque être vivant avec ces artères qui amènent la vie et la lumière.
On retrouve un peu l'atmosphère de "Léviathan" au Grand Palais
A l'extrémité du grand canal, Anish Kapoor a installé "Descendance" un petit bassin supplémentaire entre le grand canal et le bassin d'Apollon, avec une eau noire qui tourbillonne constamment. Nouvelle invitation à plonger au centre de la terre?
Une hélice d'avion située à 4 mètres de profondeur crée un mystérieux siphon ou s'engloutit cette eau noire et sombre. Des grondements sourds, faisant trembler le sol et semblant surgir du centre de la terre s'opposent au calme des jardins et à la symétrie lumineuse des miroirs d'eau et des parterres. La encore Anish Kapoor a voulu confronter le très ordonné au chaos
"Dirty corner" le centre de la polémique de l'exposition
Se dressant sur plus de 10 mètres de haut, c'est la pièce la plus imposante de l'exposition. Installé dans l'axe principal du parc, sur le tapis vert, ce tunnel d'acier rouillé, de 60 mètres de long s'ouvre en direction du château par une sorte de trompe, qualifiée de "très sexuelle" par l'artiste, pouvant évoquer pour certains une corne d'abondance, pour d'autres un symbole féminin. Cette structure métallique est entourée d'un amoncellement chaotique de terre et d'énormes blocs de pierre (pouvant peser jusqu'à 25 tonnes), dont l'un a été peint en rouge carmin.
L'intention de l'artiste est de vouloir rompre l'ordre crée par le Notre et de détruire la si parfaite perspective de ces jardins pour laisser paraitre le chaos caché par le Notre, celui d'avant et celui d'après.
Extrait d'une interview de Anish Kapoor:
"Je vais écorcher le tapis vert, l'éventrer tel un corps démembré, le dépouiller et transformer son ordre vert en un "Dirty Corner". Semblable à un corps gisant sur le sol avec les jambes ouvertes, dont on ne sait pas s'il est un objet masculin ou féminin. Avec un vaste orifice intérieur, comme une oreille ou un vagin, et un long tuyau qui pourrait être masculin comme un phallus... Je veux que la confusion règne et que l'on crée le désordre dans un paysage ordonné "
Miroir C-Curve
Anish Kapoor joue avec ses fameux miroirs concaves. Le premier est horizontal, il est posé au sol juste devant le château.
D'un coté, la partie convexe reflète la façade et les visiteurs peuvent alors faire leurs selfies avec le château en arrière plan. L'autre coté, la partie concave, fait face à la grande perspective (interrompue volontairement par l’œuvre colossale de "Dirty Corner") et les visiteurs se retrouvent tête en bas, avec le ciel en bas et la terre et ses jardins en haut, dans le ciel. Référence évidente à Louis XIV, le roi soleil, en renversant l'image, Anish Kapoor veut ramener le soleil à la terre.
Skye mirror
Grand cercle parabolique posé en l'air pour attraper le ciel et les nuages d'un coté et pour renvoyer les images déformées des jardins de l'autre coté. Anish Kappor veut montrer que sous ces paysages ordonnés de lumière que sont ces jardins, se cache quelque chose de plus complexe, de plus dangereux peut être, et de plus sombre.
Ce miroir est comme une véritable peinture, évoluant avec le temps en fonction de la lumière, de la météo et du ciel chargé ou non de nuages.