Vous vouliez du dépaysement, en voilà, je vous emmène à Black Rock City, une cité éphémère qui, le temps d'une semaine, devient la deuxième ville la plus grande du Nevada. Une ville en forme de fer à cheval, prenant forme au fur et à mesure de l'arrivée des burners (personne se rendant au Burning man) et disparaissant à leur départ après l'événement.
Durant une semaine, 70000 personnes venues du monde entier se regroupent dans ce paysage intemporel, au milieu de nulle part, sur les étendues alcalines et poussiéreuses d'un ancien lac asséché, pour participer à ce mythique festival de Burning Man qui en est à sa 30ème édition.
Difficile de définir ce qu'est le Burning Man, il faut le vivre au moins une fois dans sa vie car c'est non seulement une exposition artistique, un festival de musique mais aussi une grande expérience humaine où chacun peut se recueillir, faire des rencontres, approfondir la connaissance de soi, vivre des expériences de tout genre... Un genre woodstock des années 2000 célébrant la créativité, la folie, la démesure, la libre expression, la générosité, le partage... Une pure folie dont on revient transformé, avec une seule envie: y retourner l'année suivante!!
Mais pour participer, il faut d'abord faire partie des chanceux qui ont réussi à obtenir des billets: en Mars, le site met en vente les billets et en moins d'une heure tout est vendu; mieux vaut avoir la fibre car le site est saturé. Ensuite réserver très rapidement son camping-car (si on veut le faire façon luxe) et là, les galères commencent car tout est surbooké. Puis, place à l'organisation de son Burning dans les mois qui suivent.
Arrivés à Los Angeles, pas le temps de se reposer, nous devons aller au supermarché Walmart pour récupérer les vélos que nous avons pré-réservé via internet, faire nos courses de nourriture pour être en complète autonomie dans cet environnement inhospitalier (car rien ne s'achète à BRC à part la glace et le café que l'on trouve au Center Camp), sans oublier les 5 litres d'eau par jour et par personne car dans le désert il peut faire très, très chaud. C'est l'un des 10 principes fondamentaux de Burning Man: être en complète autonomie: le "Radical self suffiency" (Et un des conseils de Burning Man est de toujours sortir avec une bouteille d'eau sur soi, on raconte que certains sont partis pour quelques heures sur la Playa pour n'en revenir que 2 jours plus tard).
Enfin récupérer le camping-car, tout charger et avaler les 9OO km qui nous sépare de BRC. Nous ferons une pause à mi-chemin en passant notre première nuit dans le RV, puis à l'aube nous prenons l'ultime route pour le désert de Black Rock. Après 3 heures de route, à la sortie de Gerlache, nous devons affronter les 6 heures de bouchon, en pleine canicule, au milieu de tous ces burners en folie avant de pouvoir franchir les fameuses gates du festival.
C'est le premier contact avec Burning Man: le spectacle commence et la magie Burning opère: les gens sortent de leurs énormes RV, parlent entre eux, commencent à enlever leurs vêtements; d'autres, plutôt que de cuire dans leur voiture préfèrent sortir les sièges de camping et s'installer à l'extérieur; d'autres déambulent entre les files de voiture en vélo; d'autres sortent leurs guitares, leurs banjos et improvisent un morceau de musique; d'autres sortent la glacière et distribuent des boissons.... Nous sommes hors du temps et la fameuse poussière du désert, le dust, commence à prendre possession de nos habits, de toutes les parties de notre corps et nous rendre rapidement méconnaissables pour toute la semaine. Fini la douche, il faudra économiser l'eau et se contenter de lingettes et de cheveux secs et poussiéreux, mais c'est ça aussi Burning Man.
Arrivés aux portes, nous devons procéder au fameux baptême pour les "Virgins" comme nous, ce qui consiste à se rouler dans le dust , à faire un énorme hug (câlin) à l'hôtesse d'accueil qui nous reçoit à bras ouverts et à sonner la cloche en criant "I'm not a Virgin anymore".
L'aventure commence, nous avons franchi les portes et nous devons trouver un emplacement sur le site, organisé en forme de demi cercle, chaque rayon formant une avenue, repérée en heure de 10h à 2h (l'avenue centrale 6h étant dans l'axe du Man) et chaque diamètre, formant des allées, repérées en lettres de A à M (nous serons à 3h15, allée justice). Le centre du cercle, appelé la Playa est inoccupé et il accueille les oeuvres et sculptures.
Place à la découverte, chacun vivant son Burning à sa façon et à son rythme
Le principe de Burning Man, c'est de vivre l'instant présent, de ne porter aucun jugement sur les autres, d'être soi même dans la spontanéité, la générosité et de ne pas hésiter à faire des trucs débiles et naïfs: comme par exemple de faire de la balançoire sur la musique planante des Pink Floyd, de parler à des inconnus et de les prendre dans les bras pour les remercier de ce partage, de se balader en tutu le jour du "tutu tuesday", de se faire donner une fessée, de danser tout seul au milieu de la "Playa" ou de faire du yoga tout nu en plein milieu du désert. Tout est permis, du plus sérieux au plus fou.
Burning Man, c'est d'abord un festival artistique en plein air dans le désert avec des œuvres d'art, toutes plus folles les unes que les autres, réalisées par des artistes ou des gens comme nous, qui ont leur propre travail, leur souci mais qui se consacrent durant toute l'année à l'exécution de leur œuvre. En sillonnant la Playa, à pied, en vélo, en char, on peut découvrir et explorer ces oeuvres.
Cette année le thème du festival était Léonard de Vinci donc de nombreuses sculptures ont mis en avant le coté ingénieux de Léonard avec des systèmes de rouage, de glissement, d'encastrement... Deux oeuvres, cependant ont une importante et sont le symbole de Burning Man: Le Man et le Temple.
Le Burning Man ne se conçoit pas sans son dust, cette poussière blanche qui tourbillonne au moindre souffle et qui parfois donne de véritables tempêtes de sable, rendant alors la vue impossible et créant une ambiance mystique, irréelle.
Burning Man, ce sont aussi les art cars (ou voitures mutantes), ces fameuses voitures customisées par les burners qui débordent d'imagination dans leurs créations et qui nous offrent un voyage entre Mad Max et le 5ème élément. Ça devient alors très banal de croiser un poulpe géant crachant du feu, un bateau à voiles voguant sur le dust, un panda géant roulant au son de la musique, une libellule géante, un yacht immense crachant de la techno ou un mouton supportant sur son échine une piste de danse...L'imagination n'a pas de limite au Burning Man et c'est ça qui fait le charme de ce festival.
La journée, c'est une profusion d’activités, proposées par les burners: on peut assister à des cours, des ateliers, des conférences sur tous les thèmes, se reposer à l'ombre d'un camp sur de confortables coussins, se faire offrir une bière, un shot, un verre d'eau et bien d'autres choses illicites. Mais un des moment magique est le lever de soleil pour profiter de ses lumières et de son ambiance de fin de nuit car tous les chars se regroupent à un endroit donné, différent chaque matin, pour célébrer le sunlight.
La nuit, la Playa offre une vison complètement différente, tout s'illumine et scintille. Les sculptures se parent de milles feux et prennent un nouveau visage, les vélos deviennent des engins lumineux, clignotant de toutes les couleurs, les burners se décorent de lumière... et que la fête commence.... De la musique et encore de la musique, des shows de danseurs de feu, des spectacles d'acrobates, des installations crachant du feu au rythme de la musique, des chars vibrant de musique sur lesquels chacun peut monter et redescendre au risque de se retrouver à l'autre extrémité de la Playa et de ne plus savoir où est son vélo. (En effet, le vélo est INDISPENSABLE car on parcourt de nombreux kilomètres et il est conseillé d'avoir une bonne selle !!!) C’est tout simplement beau et incroyable.
Burning Man c'est aussi un véritable défilé de mode avec des tenues les plus éclectiques du monde. Du fait de l’omniprésence de la poussière et de la nécessité de s’en protéger, beaucoup de déguisements incluent masques et lunettes de protection. Look Madmax, look hippy, look sexy, tout est possible , l'exubérance et l'originalité est de mise.
Toutes ces oeuvres sont majestueuses d'autant plus qu'elles sont éphémères: en effet la majorité des créations sont brulées à la fin du festival. Les catacombes serontles premières à brûler et tous les chars seront rassemblés autour pour fêter cet événement et en particulier le "robot heart" qui est le plus vieux char de Burning Man et qui accueille des DJ de renom.
Mais un des moments phare de Burning Man, c'est le samedi soir lorsque Le Man brûle. Différent chaque année, le Man, un grand mannequin en bois, trône au milieu de la Playa, regardant toujours dans l'axe des 6heures (très utile pour se repérer et trouver son camp).
A l'origine, Larry Harvey, le fondateur du festival aurait construit une statue dans les années 80 pour se représenter et l’aurait brulée pour symboliser son changement de vie. Il représente l'essence même du festival: tous les burners se regroupent autour du Man qui brûle, c'est comme si chacun s'embrasait et renaissait de ses cendres pour une nouvelle vie. C'est la plus grosse soirée du festival: tout le monde est là, tous les art cars et chars sont regroupés sur la Playa et le demi-cercle devient alors un cercle complet fait de lumières et de feu, c'est absolument surréaliste.
Outre la crémation de l’effigie humaine, l’incendie du Temple des souvenirs est devenu un moment fort de Burning Man. Ce Temple, imposant par sa taille, est l'oeuvre de David Best qui réalise cette année son dernier temple (il a fait sur les 15 dernières années , 8 temples du souvenir, tout plus beaux les uns que les autres). Imposante construction aux allures mystiques et sacrées, c’est un lieu de recueillement et de prières. Ici, pas de musique techno, pas de paroles, mais un silence religieux, entrecoupé de nombreux sanglots et une grande émotion règne dans ce temple. Chacun se recueille, dépose une photo ou un objet ayant appartenu à un proche disparu, écrit un message libérateur ... Difficile de ne pas être touché par cet endroit, l’émotion y est palpable et une grande solidarité s'installe entre chaque burner qui, par un geste, une parole de réconfort, un immense "hug", essaie d'apaiser la souffrance de son ami d'un jour
Le dernier soir du festival, on brûle le temple, et c’est encore un moment très intense. Personne ne parle, tout part en fumée, accompagnant les milliers de pensées laissées par les burners.
Les photos aériennes sont de Philippe qui a fait un superbe film avec son drône, à voir ABSOLUMENT sur son site : philofdrones.com
Merci également à Scott London, photographe professionnel talentueux, pour son chaleureux accueil. Il couvre le Burning Man depuis plusieurs années et ses photos sont MAGNIFIQUES, à voir sur son site: http://www.scottlondon.com/photography/