Qui n’a pas un jour rêvé de marcher sur l’eau et de surplomber les profondeurs mystérieuses et inquiétantes d ‘un abysse sans fin?
Et bien, ce rêve est devenu réalité lors notre voyage au Lac Baïkal. Ce lac, surnommé la Perle de la Sibérie, est un lac sacré pour les Bouriates, les descendants des Mongols.
C’est un lac immense, d’une superficie égale à celle de la Belgique: 636km de long pour 88km de large , avec plus de 2000km de rivages, et il pourrait contenir 260 fois le lac Léman . Il est situé au coeur de la Sibérie et représente le plus grand réservoir d’eau douce de la planète (si la terre venait à ne plus avoir une goutte d’eau, le lac pourrait alimenter la planète entière pendant 6ans). Il est alimenté par 336 rivières qui se jettent dans ses eaux et une seule en ressort: le fleuve Angara, passant par irkoutz et ne gelant jamais en son embouchure en hiver. Ce fleuve avant de se jeter dans la mer Arctique est équipé de trois barrages et trois centrales hydro-électriques, figurant parmi les plus importantes de la planète et alimentant une grande partie du pays en électricité.
Une légende la région sur le Baïkal: Un vieil homme barbu prénommé Baïkal était père de 336 fils et d’une seule fille nommé Angara. Ses fils étaient très économes, contrairement à sa fille, dépensière. Cette dernière tomba amoureuse de Ienisseï. Lorsqu’elle voulut le rejoindre, son père tenta de l’en empêcher en jetant un rocher, devenu aujourd’hui une petite île au centre de l’Angara. Sa fille parvint à s’échapper pour rejoindre l’élu de son cœur. Cette légende raconte l’histoire du Baïkal. 336 affluents, 1 fleuve (Angara) qui en sort et qui rejoint le Ienisseï avant de se jeter dans l’océan arctique après presque 6000 km.
Nous sommes le 14 Février et il est 8h30 lorsque nous atterrissons à Irkoutz, après un long vol de 10h et une escale à Moscou. Aussitôt, le froid nous transperce, nos habits parisiens ne sont pas adaptés au -28°C annoncés, il va falloir rapidement se changer. ET là, petite pensée pour notre entourage qui ne comprend pas notre souhait de partir dans des régions aussi froides, et à ce moment précis, pendant quelques instants, je leur donne raison!!
1ER JOUR: IRKUTSK
Baignée par le mythique fleuve Angara, confluent du lac Baïkal, Irkoutsk est surnommée le “Paris sibérien” en raison de son patrimoine architectural et culturel. Après avoir déposé nos bagages chez Galina, notre guide franco russe Oxanna nous fait découvrir la ville et nous commençons la visite par le quartier des 3 églises (orthodoxe et chrétiennes) notamment l’église Notre Dame de Karzan avec ses façades extérieures très vives et colorées, rehaussées par des ornements d’un blanc éclatant et dont la particularité est d'être entièrement peinte à l'intérieur, du sol au plafond.
Nous continuons notre visite, découvrons plusieurs monuments pour arriver au pied de la statue d’Alexandre III, veillant sur la circulation.
Après un court trajet en minibus, nous rejoignons le musée des Décembristes. Petit résumé historique : Les insurgés de 1825 furent condamnés au goulag et à une vie entière en Sibérie. Ils furent pardonnés lors du couronnement du tsar Alexandre II en 1856 après des décennies d’exil.
Ici, le manteau de fourrure n’est pas un luxe mais un moyen de survivre aux températures extrêmes en hiver et une majorité de femmes en portent, la femme russe est capable d’économiser pendant plusieurs années pour acquérir un magnifique manteau, le plus prisé étant la zibeline. Les jeunes s’habillent eux de manière plus traditionnelles.
Outre cet héritage culturel, on y découvre des labyrinthes entiers de maisonnettes traditionnelles, en bois, aux couleurs pastels et aux allures de campagne… des maisons plus ou moins délabrées, toutes de travers, semblant abandonnées et rongées par l’usure du temps. Ces jolies maisons en bois, d’une époque, où les habitants vivent encore aujourd’hui sans eau courante, toilettes à l’extérieur. contrastent avec les immeubles voisins tout confort, bien que déjà d’un autre temps,
Il ne reste plus beaucoup de ces maisons traditionnelles car en 1879, une terrible catastrophe s'est abattue sur la ville: le 22 juin, une maison a pris feu, l'incendie s’est propagé aux bâtiments voisins, a gagné les rues et finalement des quartiers entiers. L'incendie a fait rage trois jours durant, détruisant toute la ville. Près de 15000 personnes restèrent sans abri. Tout fut détruit par le feu et la ville mit 10 ans pour renaitre de ses cendres.
La visite se termine au grand marché central d’Irkoutsk, lieu important de la ville: c’est ici que les habitants viennent s’approvisionner.
.On y trouve toutes sortes de produits alimentaires vendus par les producteurs locaux.
Le marché comprend une halle intérieure où on trouve de grands étalages de gâteaux, majoritairement à la crème, des friandises russes, des rayons de plusieurs mètres avec d’énormes pièces de viande, des étals de poissons séchés ou fumés en provenance du lac: le maître du lieu étant l’omoul, poisson endémique, très apprécié des russes, en particulier l’omoul fumé, avec sa chair tendre et ambrée et dégusté entre 2 gorgées de vodka comme il se doit (car ici, pas d’eau, elle gèle, donc soit on boit du thé “tchai” soit on boit de la vodka)
A l’extérieur de nombreux stands de baies, de légumes, de graines, encore des poissons mais ceux là sont frais, congelés par le froid environnant, durs comme la pierre et dressés sur les palettes par ordre de taille. Il y a également des mamies venues vendre leurs conserves, des marchands d’habits pour le froid, proposant des bottes en feutre, en peau de phoque, des chaussettes tricotées, des bonnets et gants en cachemire ou laine de yak….
2EME JOUR: DEPART POUR LE LAC SUR SA RIVE OUEST
Lever de soleil dans la brume sur les rives fumantes de l’Angara. En fait, en amont du fleuve, un barrage réchauffe les eaux du fleuve qui fument au contact de l’air glacial; il fait quand même -30°C ce matin; sans les gants, nos doigts resteraient collés au trépied et il faut veiller à ne pas coller le boitier glacé sur le visage. On a voulu du froid, on l’a trouvé! Galina saura nous réchauffer avec son petit déjeuner typique et très copieux
Après une dernière halte au supermarché (ensuite il n’y aura plus aucun service à notre disposition avant une semaine) nous reprenons la route à travers de magnifiques forêts de bouleaux, de grandes étendues de steppes où paissent tranquillement des vaches, nullement gênées par la neige et le froid.
Le paysage alterne entre plateaux, steppe, taïga et petits villages qui apparaissant au milieu de nulle part. On se croirait dans des scènes de western avec ses grandes rues désertes, ces maisons en bois usées par le temps, ses chiens errants et ces troupeaux de vache cherchant un peu de nourriture au milieu de champs de neige et de glace.
Et tout à coup, nous l’apercevons, une masse blanche, immense, s’étendant à l’infini: LA MER SACREE. Il est là, le fameux lac Baikal, majestueux, silencieux, immobile, emprisonné dans les glaces et illuminé par le soleil couchant. Notre aventure va enfin commencer. Notre rêve prend forme. Excitation, admiration, émotion, étonnement, tous ces sentiments se mélangent et se libèrent. Nous n’y tenons plus, nous nous précipitons sur nos appareils pour immortaliser ce moment, et nous imprégner de la beauté du lieu. Devant nous s’étend la petite mer devant l’île d’Olkhon, longue de 72 km, Olkhon est la plus grande île du Baïkal.
3EME JOUR: STATION MÉTÉO DE SERGUEÏ ET NATACHA
Première nuit sur les rives du lac, avec le lever du soleil qui colore les eaux gelées d’un rose tendre et amène une légère chaleur malgré la fraicheur matinale (il doit faire environ -25°C). Serguei et Sacha ont chargé les voitures, emportant de la nourriture pour une semaine car nous allons être complètement coupés du monde, sans magasins, sans réseau, sans internet… Une vraie déconnexion dans ce monde de glace à la fois attirant et inquiétant. L’aventure peut commencer, difficile d’imaginer que sous nos pieds il y a des milliers de mètres cube d’eau.
Le lac compte une trentaine d’îles, qui émergent recouvertes de glace et sculptées de dentelles, on dirait des cailloux jetés dans le lac.
Durant l’hiver, une épaisse couche de glace le recouvre et forme une véritable banquise pouvant atteindre 1 mètre d’épaisseur, mais s’aventurer seul sur le lac peut s’avérer très dangereux, en raison de fissures et d’amoncellements de glace bloquant le passage. Il est conseillé de partir accompagné d’un chauffeur qualifié connaissant bien la glace, dans une voiture légère tout terrain ou idéalement dans un mini bus tout terrain, tout léger, (genre UAZ, fourgon très répandu en Russie, réputé pour son inconfort mais également sa capacité de franchissement d’obstacles ). Nous aurons la chance d’avoir les 2 meilleurs capitaines des glaces du lac: Serguei (physicien et vivant au Nord du lac, chez qui nous logerons) et Sacha (chauffeur de gros engins à la retraite vivant également sur les rives du lac depuis son enfance). L’art du capitaine de glace consiste à savoir lire la glace. En fonction de sa couleur, de la position des banquises, de la direction des fentes et au moyen de centaines d'autres signes, les chauffeurs expérimentés décident où passer.
Etrange sensation que de marcher sur ce lac et de se dire que sous nos pieds il y a 1600m de profondeur, mieux vaut que la glace soit solide!
Nous marchons, les yeux rivés au sol pour admirer les détails de la glace et observer les talents artistiques de la nature et nous pourrions y passer des heures car ce paysage glacial, dont l’épaisseur atteint varie entre 80cm et 1,50m n’a rien d’une morne plaine.
Parfois, à certains endroits, le vent a balayé la neige et la glace du lac se découvre vive, extrêmement pure, veinée de nervures turquoises représentant les couches successives figées par le froid. On croirait voir des ramifications neuronales;
Parfois, elle est tel un miroir et laisse apercevoir les eaux sombres et profondes du lac où des bulles d’air peuvent être emprisonnées;
Parfois, suite aux éruptions volcaniques dans les profondeurs du lac, des plaques de glace entrent en collision, elles s’empilent alors les unes sur les autres pour former des colonnes de plusieurs mètres de haut;
Parfois, suite aux variations de températures entre le jour et la nuit, la force du mouvement de le glace est si importante qu’au bord du lac des amas de bloc de glace se forment: c’est le chaos le plus total avec des milliers de blocs de glace, lisse et coupante comme du verre, transparente comme du cristal de roche, enchevêtrés les uns sur les autres et rendant le passage impossible;
Parfois il y a des tas de cristaux de glace parsemés sur la surface comme du sucre glace;
Parfois, des gros glaçons d’un bleu turquoise ou d’un blanc éclatant sont plantés dans le sol et dessinent de véritables œuvres d’art.
Serguei s’émerveille tout autant que nous de ce paysage glacé.
Les arrêts s’enchainent entre les pauses photos et les passages de faille. Aujourd’hui 80km pour atteindre notre prochaine cabane. Pendant quelques jours, nous allons vivre le quotidien des sibériens et vivre comme eux dans les cabanes isolées et éparpillées le long du lac. Ici, pas d’eau courante: l’eau il faut aller la chercher dans un trou, creusé dans le lac, on la fait chauffer dans des grandes casseroles sur le poêle, on s’en sert pour la cuisine, on la boit, on se lave avec …
Les toilettes, c’est la petite cabane au fond du terrain qui nous rappelle qu’il ne faut trop boire avant de se coucher si on ne veut pas se lever en pleine nuit par -30°C.
Pas de chauffage central, juste un poêle qui donne une douce chaleur tant que le feu est alimenté mais qui, dès qu’il s’arrête en pleine nuit, nous rappelle que nous sommes en Sibérie !!
Pas de salle de bains, on se lave dans les Banïas, véritable tradition russe: c’est un sauna avec réservoir d’eau froide du lac et un poêle à brique. Il suffit de jeter l’eau froide sur le poêle afin d’augmenter la température de la pièce qui peut s’élever de 65 °C à 120°C et ensuite, lorsqu’on a bien transpiré, on utilise l’eau glacée du lac pour se rincer (ou pour les moins courageux, on mélange dans une bassine l’eau froide avec l’eau chaude issue du four)
Peu de cabanes ont l’électricité, elles ont juste un générateur fonctionnant le soir et permettant de recharger les appareils électroniques
Pour passons la nuit chez notre guide, Serguei, et sa femme Natacha. Tous deux sont des scientifiques, responsables de la station météo, ils assurent des relevés réguliers pour mesurer la température du sol, de l’air vitesse et orientation du vent
4EME JOUR: BAIE ZAVOROTNAYA ET LA CABANE DE SYLVAIN TESSON
L’UAZ a besoin d’un petit coup de chalumeau pour démarrer
Nous repartons vers le Nord et faisons une halte auprès de pêcheurs, venus relever leurs filets posés la veille et dans lesquels des dizaines de poissons se retrouvent pris dans les mailles au petit matin. Des omouls mais aussi des poissons chat qui gèlent rapidement dès qu’ils sont sortis de l’eau. De minuscules crevettes sont également prises au piège, celles ci ne se mangent, ce sont les éboueurs du lac: elles éliminent tout ce qui pourrait polluer l'eau. Elle absorbent les algues et les bactéries, se nourrissent des poissons morts, des déchets.. Voilà un des secrets de la pureté remarquable de l'eau du Baïkal.
L’omoul est le poisson endémique du lac et il est très apprécié pour sa chair ambrée et savoureuse. C’est l'une des principales ressources alimentaires pour les riverains du lac Baïkal. Sa consommation est appréciée dans toute la Russie, une partie de la production est même exportée vers les pays occidentaux . La pêche ne s’arrête pas en hiver. Il existe une technique d’installation ingénieuse de filets sous la glace mais depuis quelques années, l’espèce a diminué considérablement et la pêche commerciale est dorénavant interdite.
Nous continuons à longer la cote Ouest du lac en direction du Nord, de nombreuses failles nous obligent à faire des détours. Parfois, après avoir testé la glace avec un pique, les chauffeurs décident malgré tout de la passer sans la contourner mais nous demandent, par sécurité, de descendre du camion et de passer la faille à pied. Ils semblent moins inquiets que nous, mais c’est quand même stressant d’autant plus quand le lac gronde, bouge sous nos pieds et que l’eau affleure à la surface . L’art du capitaine de glace consiste à savoir lire la glace. En fonction de sa couleur, de la position des banquises, de la direction des fentes et au moyen de centaines d'autres signes, les chauffeurs expérimentés décident où passer par dessus la faille..
Plus loin, seulement accessible par le lac, la cabane de 9m2 ou l’écrivain Sylvain Tesson a passé 6 mois à écrire son célèbre roman “Dans les forêts de Sibérie” Sa doctrine: la recette du bonheur: une fenêtre sur le Baïkal,une table devant la fenêtre.
Une interview de l’auteur sur son expérience https://www.unmondedaventures.fr/sylvain-tesson-6-mois-de-cabane-au-baikal/
Nous passons la nuit dans une ancienne zone d’extraction de pierres semi précieuses, complètement abandonnée et occupée par quelques personnes qui gardent le site.
5EME JOUR/ RESERVE MONAKOVO
De drôles de rencontres sur le lac comme cette vieille moto abandonnée par son propriétaire au milieu de nulle part, les rives sont à plusieurs dizaines de kilomètres, comment est il rentré?
Un engin non identifié dans le ciel, seraient ce les yeux de Poutine? Mais non, c’est philofdrones qui nous surveille
Dans certains endroits abrités du vent, le lac est recouvert d’une épaisse couche de neige, impossible de repartir! Heureusement l’UAZ est la pour nous tracter.
Sacha s’occupe du repas pendant que Serguei s’occupe de la boisson, la réserve de vodka ‘‘faite maison’’ est sur le toit du camion. Le repas est servi, c’est l’occasion de trinquer….
Sur le parcours, nous croisons des pêcheurs installés pour la nuit dans des tentes appelées “kamtchatka”. Ils montent ces tentes pour se protèger du vent et du froid; Ils passent la nuit dans des campements provisoires installés à proximité des filets avec un peu plus loin, les sanisettes soviétiques.
Nous atteindrons notre cabane à la tombée de la nuit car les chauffeurs ont perdu la piste et se sont enfoncés dans la neige profonde, et là encore, nous en sommes sortis vivants grâce à ce petit camion qui passe vraiment partout et qui a sorti la voiture de Serguei hors de ses ornières.
6EME JOUR/ STATION METEO SUR L’ILE OUCHKANI CHEZ TATIANA
Au début de l’hiver, quand le lac commence à geler, les fortes tempêtes, qui agitent le lac, viennent former ces concrétions sur les parois rocheuses et à l’intérieur des grottes, de l’eau s’infiltre et donne vie à des formations glaciaires étranges et merveilleuses. Ces formations cristallines semblent fixées aux plafonds des grottes, telles de solides stalactites. Ce sont de véritables oeuvres d’art éphémère car lorsque le printemps s’installe tout disparait.
Lors de notre pause déjeuner, nous avons eu la visite d’un renard, au début il était très prudent et craintif, n’osant pas trop s’approcher, mais la faim lui tenaillant certainement le ventre, il a pris de l’assurance pour venir de plus en plus près à la recherche d’éventuelle nourriture
Par où va t’on passer ? D’un coté, ces énormes blocs de glace (les torros) qui bloquent le passage et de l’autre une immense faille qui semble s’écarter sous nos pieds. La voiture passera seule, à toute vitesse et nous on passera à pied, rapidement également.
encore une faille,les chauffeurs réfléchissent beaucoup, se concertent, se regroupent pour tâter de la glace à pied, puis Sacha sort son pic pour tester la glace en cognant dessus vigoureusement.
Cette belle journée est couronnée par un splendide coucher de soleil, suivi d’un lever de lune tout aussi beau. Quelle chance nous avons!
7EME- 8EME JOUR: STATION METEO OUZOURI
Sacha au volant de son UAZ, se demandant ce que je fais avec mon appareil à le photographier sous tous les angles !
Pendant que nos capitaines scrutent la glace pour trouver un passage, la pause photo s’impose, on ne se lasse pas de cette glace, différente à chaque endroit déclinant une palette de couleurs allant du blanc au bleu gris, au bleu turquoise, au noir intense. Place à une séance de natation synchronisée sous la houlette de philofdrone
Nous approchons de notre destination finale mais une immense faille longe la côte et nous empêche de nous en approcher. Après observation minutieuse de la glace, concertation avec d’autres chauffeurs, réflexion, nos capitaines décident de nous abandonner sur place en nous demandant de passer la faille à pied, quand à eux ils continuent en voiture pour trouver un passage mais cela va peut être leur demander de faire un très long détour. Petit stress d’autant que le lac gronde, rugit comme des coups de tonnerre et par endroit, l’eau affleure à la surface du lac; on ne va pas trop s’éterniser.
Lever de soleil, coucher de soleil, on ne s’en lasse pas mais ici il y a beaucoup plus de touristes car nous sommes proches de Khoujir, lieu de prédilection pour les chinois, et on a assiste à un va et vient de UAZ sur le lac depuis notre belvédère
Après la vue du ciel depuis le belvédère que nous avons gravi hier soir et ce matin, nous profitons encore une fois de la glace et de toutes les oeuvres d’art qu’elle nous offre, difficile d’imaginer que tout cela disparaitra dans quelques semaines.
9EME JOUR: ILE OLKHON- KHOUZIR
Nous quittons le lac pour reprendre les voies terrestres en direction de Khoujir sur une piste cabossée au milieu des pins et des dunes. Petite halte au hameau Peschanka qui signifie « le village de sable »
Entre 1930 et 1966, ce village de sable était une ancienne prison du goulag où étaient exilées des personnes condamnées pour des infractions mineures: retard au travail, petits vols, vandalisme. Par conséquent, leurs peines d'emprisonnement étaient courtes: une moyenne de 3-4 ans, un maximum de 8 ans. Mais il ne faut pas oublier à quoi ressemblait cette époque: un homme pouvait être condamné à 5 ans de prison pour le vol de plusieurs kilogrammes de pommes de terre……
Faute d'accès aux archives, les informations sur ce camp reposent sur les enquêtes réalisées auprès de survivants, prisonniers ou gardiens. Les condamnés avaient construit leurs propres casernes et avaient encerclé le territoire avec des fils de fer barbelés. Selon des témoins oculaires, il y avait une vingtaine de casernes à Peschanka et une centaine de prisonniers y vivaient. La rue s'étendait le long de la côte du lac Baïkal. Une jetée de digue avait été construite sur le rivage pour les pêcheurs, Il y avait les bâtiments de traitement du poisson où le poisson était salé, mis en barils et envoyé sur le continent par bateau et les chalands. Les prisonniers devaient pêcher de l'omoul et le mettre en boîte pour les soldats de l'Armée rouge, sur le front.
De ce camp, il reste très peu de traces ; une simple croix de bois, érigée le 16 avril 2012, rappelle ce douloureux passé. Maintenant, beaucoup de touristes viennent ici en été, comme dans d'autres endroits de l'île.
Le rocher du Chaman, en plus d’être photogénique, il est sacré.
Pour les habitants de la région ce rocher représente bien plus qu'un joli panorama, ce lieu est sacré. La légende rapporte même que le dieu Mongol, fuyant les hordes de Gengis Khan, se serait réfugié ici dans une grotte formée dans les entrailles de la roche. On comprend alors pourquoi ce rocher est devenu ensuite un haut lieu de chamanisme. Des croyances, entre magie et religion, encore très présentes dans l'île et toute la région, surtout parmi les populations d'origine bouriate. Les Bouriates disent d’ailleurs volontiers que les lieux, où l’on croit et prie des siècles durant, accumulent une force énergétique qui peut exercer une influence sur l’homme, on dit même que le rayonnement des esprits est si fort près du rocher qu'il est déconseillé aux femmes enceintes de s'en approcher ... l'accouchement risquerait d'être prématuré! nous nous sommes promenés le long des totems, au milieu de tous ces rubans de couleurs flottant au vent, comme autant d’offrandes faites à la nature.
Mais qu’est ce que le chamanisme? après m’être documentée, voici ce que j’en ai compris :
Le chamanisme est une croyance basée sur 3 niveaux ; il y a le monde d’en haut, le monde du milieu et le monde d’en bas. En haut, le monde céleste, au milieu le monde terrestre où sont tous les Hommes, tandis que le monde d’en bas représente la demeure des esprits, qui punissent les hommes pour leurs péchés. Ici, les esprits décident si une personne mérite la récompense ou bien la punition. Après la mort, l’âme se transforme en un oiseau, un animal, une plante ou devient une montagne, une rivière…
Le chamanisme implique un grand respect pour la Nature, parce qu’elle les nourrit. C’est pourquoi les chamans font des offrandes à la nature, sous forme de monnaie, de nourriture ou de bijoux. Pour eux, derrière chaque point d’eau, chaque arbre, chaque montagne, il y a un esprit. L’harmonie entre les être humains, la nature et les esprits est primordiale pour trouver le juste équilibre.
Un chaman est à la fois un prêtre, effectuant des rituels, un devin, prédisant l’avenir, et un guérisseur, soignant les maladies ). Les rêves ont également une grande importance dans le chamanisme, il est capable de rentrer en transe et de communiquer avec les esprits , il est un intermédiaire entre le monde des vivants et le monde des esprits.
Il y a beaucoup de rituels autour de ces croyances ; les chamans utilisent souvent le tambour pour entrer en état de transe, et la guimbarde pour appeler les esprits.
Les arbres, entourés de rubans de toutes les couleurs, ou les poteaux en bois ( appelés sergué), ou les tertres de pierres (appelés Ovoo) que nous avons pu croiser sur notre chemin sont des rituels avec des offrandes faites aux esprits… Chaque couleur de ruban ayant une signification particulière, le rouge, la couleur de l’amour, le bleu, la couleur du chamanisme…
Cérémonie chamanique sur les rives du Baikal https://fr.rbth.com/lifestyle/80828-russie-siberie-chamanisme-video
Ici, pas de route goudronnée, la rue principale de Koughir est une piste en terre sur laquelle passent de nombreux UAZ, le véhicule roi sur le lac, on y croise également de nombreux chiens en liberté, très affectueux à la recherche de câlins (ou certainement de nourriture) des vaches revenant de leurs promenades au bord du lac, mais surtout une multitude de chinois qui viennent visiter ce lieu, rendu célèbre par un chanteur qui a fait un tube avec sa chanson appelée “le lac Baikal”
Cette invasion de chinois se traduit par une éclosion d’hôtels impersonnels et très kitch, des magasins aux enseignes asiatiques vendant des produits asiatiques, des écriteaux écrits en chinois, et une affluence record sur les sites environnants de Khoujir. C’est devenu un peu le triangle d’or du Baïkal et le projet de rénovation de la piste en terre historique en route goudronnée risque d’aggraver cet afflux de touristes mettant en danger la préservation du site.
Khougir, c’est un peu une ville fantôme, où les maisons et usines délabrées côtoient des bâtiments modernes construits pour les touristes et où l’on croise de rares habitants. Jadis, cette ville était florissante: la conserverie faisait vivre une bonne partie de la population mais depuis l’effondrement du régime communiste, les repreneurs successifs n’ont jamais réussi à relancer la petite usine qui fonctionne maintenant au ralenti et comme les poissons se font plus rares, les autorités ont aussi limité la pêche des poissons omouls.
Ce côté désolation est accentué par des carcasses de bateaux rouillés, avec des trous dans les coques, des morceaux de ferrailles échoués sur la plage, et d’autres bateaux, reconvertis en navires de croisière, pris dans les glaces et attendant le retour des beaux jours et du dégel pour naviguer.
10EME JOUR: LYSTVYANKA EN AEROGLISSEUR
Nous longeons la côte Ouest du lac pour rejoindre Lystvyanka en faisant une halte mécanique dans la baie PestchanaÏa, cette baie est entourée de 2 gros rochers qui tombent à pic dans les eaux du lac et elle abrite une crique très prisée en été (heureusement accessible uniquement en bateau, aucune route n’amène à cet endroit).
Les versants montagneux et les dunes de cette baie offrent un contraste saisissant, on y trouve des “arbres marcheurs”, (ou “arbres aux échasses”) des pins et des mélèzes, dont les troncs émergent du sol sur des racines aériennes, qui peuvent monter jusqu’à 2 mètres au dessus du sol.
DERNIER JOUR: LISTVIANKA - IRKUTS
Listvianka, situé à l'endroit où l'Angara sort du lac, est devenu un endroit très touristique et attire de nombreux russes en villégiature, dans des résidences secondaires. Autrefois le village n'était qu'un chantier naval, tandis qu'aujourd'hui c'est un centre de tourisme ayant sur son territoire des hôtels, des maisons d'hôtes, des petits cafés ... il possède un marché extérieur animé qui vend des herbes fraîches et séchées, différents thés, des souvenirs, et le fameux poisson omoul du Baïkal.
Arrêt à Taltsi, musée en plein air, où nous découvrons l’architecture traditionnelle en bois sibérien. Le musée, fondé en 1969, est consacré à la vie dans la campagne sibérienne du XVIIe au XIXe siècle. Les constructions en bois sont des vraies izbas déplacées afin de créer un ensemble architectural hors du temps.
Listvianka est également un grand centre scientifique. On trouve ici le Musée du Baïkal et son Institut de Limnologie, qui effectue des recherches très complexes sur le gigantesque laboratoire naturel qu’est le Baïkal. Des aquariums nous montrent plusieurs familles de poissons du lac: les fameux omouls, les esturgeons ... Plus de 75% des espèces végétales et animales de la région de Baïkal sont endémiques, ce qui signifie qu'elles n'existent nulle part ailleurs sur la planète. Le musée abrite deux types de nerpas (phoques) du Baïkal, l'une des trois espèces connues de phoques à vivre uniquement en eau douce. Comment les phoques sont arrivés ici, c'est toujours un mystère.
Suite à cette visite, on prend conscience de la fragilité de ce lac qui fascine tant et attire chaque année, hiver comme été, de très nombreux touristes, amoureux de nature. L’Unesco l’a d’ailleurs classé en 1996 au patrimoine mondial de l’Humanité. Mais cette beauté est fragile et on parle souvent du lac Baïkal comme l’un des lacs les plus purs du monde mais le lac est pourtant bel et bien confronté à l’une des plus graves crises écologiques de son histoire, de par la propagation des algues, la pollution des eaux par des phosphates, le réchauffement des eaux entrainant une diminution importante des poissons. Et malheureusement, nous touristes sommes aussi responsables de ces problèmes écologiques !
Et voilà, le voyage se termine. Pleins d’images dans les yeux, de magnifiques souvenirs, de grands moments partagés avec les membres du groupe, une photographe hors pair, Céline Jentzsch (dont je vous invite à aller voir son blog, elle fait un travail formidable http://celinejentzsch.com/) et comme à chaque fois, à peine rentrés, une folle envie de repartir …Merci à tous et bravo à l’agence photographe du monde.
Et bien sur, ne manquez pas le film de drône de Philippe, magnifique, comme toujours http://philofdrones.com/blog/2019/3/2/bakal-2019